Maison |
Sommaire |
Sans aucun doute, notre Galaxie apparaitrait très différente si toutes les étoiles étaient simples. On y croise en effet les binaires dans l'évolution stellaire depuis le début, comme produit typique des processus de formation, jusqu'à une possible fin brutale en supernovae. Leur rôle dans l'évolution de la Galaxie est donc fondamental.
Plusieurs types d'étoiles binaires permettent des mesures directes de certaines quantités physiques. Elles représentent donc un outil indispensable que ce soit en physique stellaire, pour peser les étoiles ou mesurer leur rayon, en physique galactique par la mesure du potentiel galactique via les binaires à large séparation, les phénomènes hautement énergétiques des binaires compactes en interaction, l'étude de l'évolution chimique galactique par les supernovae de type Ia, l'échelle des distances par les binaires à éclipses, etc.
Les systèmes doubles couvrent l'ensemble des masses, allant des compagnons naines brunes aux jumelles massives, et l'ensemble des périodes orbitales, de l'heure aux millions d'années, ils ne sont donc détectables que par des techniques différentes. Avec un autre point de vue, on peut également considérer qu'elles perturbent les différents types d'observations...
Dans les pages ci-dessous, les systèmes sont détaillés en s'attachant aux doubles plus qu'aux multiples, en les classant par ordre chronologique de découverte, donc sous un point de vue purement observationnel. On distinguera les binaires (dont on est sûr de la nature physique) des doubles (pour lesquelles un doute peut subsister):
La liste des binaires ou des doubles n'épuise pas, à vrai dire, le sujet de tous les moyens imaginables de détection. Par exemple, les binaires à mouvement propre commun (CPM) représentent les couples ayant une période beaucoup trop longue pour pouvoir mesurer un mouvement orbital avec l'instrumentation actuelle, mais qui partagent le même mouvement propre (une vitesse radiale identique permet de le confirmer). Les missions astrométriques à venir, avec leur précision inégalée, permettront des quantités de détections indiscutables.
La photométrie est également une méthode utile. On appelait autrefois « photométriques » les binaires à éclipses. Maintenant que la photométrie multi-couleur est systématique, peut-être pourrait-on tout autant nommer doubles photométriques les objets non résolus dont les indices photométriques ne correspondent pas à ceux d'une étoile simple mais bien plutôt à la combinaison de deux étoiles standards. On peut détecter de cette manière des milliers de couples naine M-naine blanche dans le Sloan Digital Sky Survey (SDSS, Smolcic, 2004).
À mi-chemin entre photométrie et astrométrie, une double variable (variable-induced) est un objet non résolu composé de deux étoiles dont le photocentre bouge parce que l'une des composantes est variable (le photocentre sera plus proche de la plus brillante à chaque date d'observation). On pourrait nommer double photocentrique (color-induced) un objet dont la position du photocentre varie de place suivant la bande photométrique utilisée, objets également détectées dans le SDSS (Pourbaix, 2004). Que l'on songe à deux objets liés physiquement ou non, non résolus, l'un plutôt bleu, l'autre plutôt rouge, dont la position astrométrique est déterminée à différentes longueurs d'onde. Ces deux catégories d'objets peuvent d'ailleurs également être des binaires astrométriques si leur mouvement orbital est perceptible.
Par la spectroscopie cette fois, il y a également les étoiles à spectre double (spectrum binary). Ici le spectre contient les raies spectrales de deux étoiles, mais le mouvement orbital n'est pas établi et il peut éventuellement s'agir de l'analogue d'un couple optique.
Les doubles interférométriques classées habituellement avec les doubles visuelles permettent enfin d'accéder à des séparations très petites et de lever l'ambiguité des binaires spectroscopiques à deux spectres.
Enfin, chaque technique pouvant apporter sa propre méthode de détection, il est probable qu'il faille un jour ou l'autre utiliser le terme de binaire polarimétrique, etc.
Différents mécanismes ont été invoqués dans le passé pour expliquer la formation des étoiles multiples: la fission, la désintégration d'amas, la capture, la fragmentation. Ce dernier mécanisme semble le plus fréquent, fragmentation d'un nuage moléculaire dense (pendant son effondrement, un nuage se fractionne en plusieurs composantes) ou fragmentation du disque (une étoile et un disque sont formés, ce dernier se fractionnant ultérieurement). La capture nécessite, quant à elle, un processus soustrayant de l'énergie cinétique, par effet de marée, via la présence d'un disque, ou celle d'un troisième corps. Mais la large échelle de séparation et de masses que l'on constate sur les binaires ne plaide en tout cas pas forcément pour un mécanisme de formation unique. Cette formation peut d'ailleurs également se poursuivre par l'accrétion de matière, par dislocation (instabilité de systèmes multiples non hiérarchique), ou par interaction (dans un amas).
Malgré la fréquence des objets doubles ou multiples, assister à leur formation n'est pas évident. Pour s'éclairer il faut donc se servir des quantités dont on dispose, au pire les paramètres observés seuls (par exemple séparation angulaire et magnitudes), au mieux ce qui découle de la connaissance de l'orbite (excentricité et rapport de masses). Ainsi une signature caractéristique doit s'afficher dans les statistiques des masses des composantes s'il y a un mécanisme de capture et de mise en couple aléatoire, ou bien si la matière s'est condensée de manière indépendante pour les deux proto-étoiles, ou bien encore si deux embryons très proches ont reçu la même quantité de matière.
Comme on a pu le constater dans la zoologie observationnelle ci-dessus chaque méthode apporte sa catégorie de binaire, mais en donnant également accès à des informations et des domaines de paramètres différents : des périodes courtes des binaires à éclipses aux périodes les plus longues des mouvements propres communs, des types spectraux et des vitesses radiales des binaires spectroscopiques ou de celles à spectre double, la luminosité des binaires à éclipses, les positions et vitesses des binaires astrométriques. Autre aspect frappant, aucune méthode n'est optimale à elle seule pour déterminer les paramètres stellaires nécessaires ; l'accès aux masses des composantes par exemple nécessite de combiner au moins deux techniques.
Le problème, et il est considérable, provient cependant des effets de sélection. Comment connaître correctement les distributions des rapports de masse si l'on sélectionne les objets non résolus en magnitude apparente, favorisant la détection de couples avec les plus petites différences de magnitude pour les binaires visuelles, mais défavorisant les jumeaux pour les binaires astrométriques, ou si l'instrumentation sélectionne les semi-amplitudes les plus larges des binaires spectroscopiques ? Les distributions en période qu'on infère d'échantillons non représentatifs peuvent être biaisées de même, favorisant les courtes périodes pour les binaires spectroscopiques, et plutôt les longues pour les binaires astrométriques.
En bas de la séquence principale stellaire, les naines brunes ont une température centrale trop faible pour allumer les réactions thermonucléaires de l'hydrogène, correspondant à une masse de 80 MJup environ. Au dessous, on met généralement la limite du domaine planétaire à 13,6 MJup, les réactions thermonucléaires du deutérium ne pouvant se déclencher en deçà. La théorie la plus communément admise pour la formation des planètes géantes consiste en l'accrétion de gaz autour d'un coeur solide ; on pourrait donc imaginer qu'un compagnon planétaire se forme dans un disque et continue à accréter au delà de la masse limite indiquée.
Même si leurs natures, et probablement leurs formations, sont différentes de celle des étoiles, les exoplanètes et naines brunes sont mentionnées parce que, en termes observationnels, elles sont essentiellement analogues aux étoiles, mais avec une signature astrométrique, photométrique ou spectroscopique plus petite. Pour ce qui concerne la vélocimétrie radiale, la période historique de rares détections de compagnons de faible masse, le désert des naines brunes (Halbwachs et al. 2000), a laissé maintenant la place au nombre impressionnant de compagnons planétaires que l'on connaît.
L'intérêt actuel pour les systèmes exoplanétaires n'a pourtant pas affaibli celui pour les systèmes binaires. D'abord parce que ces derniers restent un moyen privilégié pour estimer les paramètres fondamentaux stellaires. Ensuite, la détection de binaires est parfois un sous-produit de la recherche d'exoplanètes. Enfin, la découverte inattendue d'exoplanètes dans des systèmes binaires amplifie, s'il en était besoin, la nécessité de comprendre l'ensemble des mécanismes de formation qui sont en oeuvre.