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L’origine de la mission

À la fin des années 60, les mesures de parallaxes trigonométriques obtenues au sol montraient leur limite. Des mesures étaient disponibles pour environ 7000 étoiles, mais pour seulement 5% d’entre elles, les plus proches du Soleil (moins de 10 pc), la distance était connue à mieux que 10% près. Pour moins de 300 objets, la magnitude absolue pouvait être calculée avec une précision suffisante pour être utilisée par la suite pour calibrer les relations type spectral - luminosité et couleur - luminosité. De plus, la majorité des étoiles pour lesquelles des données précises de distance étaient disponibles étaient des étoiles brillantes (magnitude apparente entre 5 et 10) et des étoiles de types spectraux communs au voisinage solaire (étoiles de la séquence principale de type G et K). La situation pour les mesures de mouvements propres était un peu meilleure, mais les mêmes biais se retrouvaient : les mouvements propres précis étaient peu nombreux et seulement disponibles pour les étoiles de type commun. De plus, il y avait une sur-représentation majeure d’étoiles à grande vitesse. Tout cela limitait l’utilisation de ces mesures dans les études de cinématique et de dynamique galactique, et de nombreuses méthodes indirectes, plus ou moins fiables, devaient être utilisées pour estimer les distances.

L’idée d’utiliser un satellite dans l’espace pour mesurer, avec plus de précision qu’au sol, les déplacements angulaires des étoiles, discutée par les Professeurs Pierre Lacroute et Pierre Bacchus alors à l’Observatoire de Strasbourg, est proposée au CNES en 1966 par P. Lacroute. Ce premier projet fait l’objet d’une étude de faisabilité au CNES, le Centre National d’Etudes Spatiales, en 1969-1970. Le concept étudié comprenait déjà trois des principes de base retenus par la suite : un miroir complexe permettant l’observation simultanée d’étoiles dans deux champs du ciel situés à 90° l’un de l’autre, un satellite balayant le ciel, et la présence, dans le plan focal, d’une grille composée de bandes alternativement opaques et transparentes qui modulait la lumière reçue des étoiles observées. Deux améliorations importantes ont été suggérées par E. Høg en 1975 : l’utilisation d’un dissecteur d’images plutôt que d’un simple photomultiplicateur (permettant de sélectionner les étoiles à observer et d’améliorer sensiblement le rendement de la détection), et la simplification de la grille modulatrice (à une dimension et non plus en chevron).

Observer depuis l’espace permet d’échapper à un certain nombre de problèmes inévitables pour un instrument situé au sol : la turbulence et la réfraction atmosphériques, la flexion des instruments due à la pesanteur, les irrégularités du mouvement de la Terre. De plus, il est évidemment impossible au sol d’observer toutes les parties du ciel avec le même instrument, et les différences systématiques constatées entre les mesures de parallaxes trigonométriques obtenues dans différents observatoires restaient inexpliquées. Aux comportements différents des divers instruments au sol au cours des observations de parallaxes (dans des positions où les instruments sont spécialement sensibles aux problèmes de flexion), s’ajoute un problème intrinsèque aux mesures au sol : les instruments astrométriques sont des instruments à petit champ, et le mouvement de l’étoile-cible est mesuré par rapport à très peu d’étoiles de fond, situées à très petite distance angulaire.

Au contraire, observer depuis l’espace avec le principe adopté pour Hipparcos et pour Gaia permet d’observer des étoiles partout dans le ciel et de faire de l’« astrométrie globale » : les positions des étoiles observées dans un champ sont rattachées non seulement aux étoiles observées dans le même champ, mais aussi dans le champ « conjugué » (situé à 58° pour Hipparcos, à 106° pour Gaia). On mesure donc directement de grands angles, et l’erreur relative sur la mesure est plus petite. De plus, toutes les observations sont raccordées entre elles par le principe même du mode opératoire de l’instrument, et l’ensemble du ciel est observé par un instrument unique.

En conclusion, l’espace permettait d’envisager un saut qualitatif et quantitatif majeur : précision meilleure d’au moins un ordre de grandeur, et nombre d’objets, pour lesquels cette précision devenait accessible, multiplié par 50 à 100.